AVE
MARIA
Abbaye
Saint-Joseph de Clairval
21150 Flavigny sur Ozerain
France |
email : abbaye@clairval.com
22 juillet 2003
Sainte Marie-Madeleine
Bien cher Ami de l'Abbaye
Saint-Joseph,
Un
jour de 1890, chez des Jésuites
en Ukraine, on lit au réfectoire
un article sur les lépreux. Un
novice repousse son assiette,
disant: «Je m'étonne qu'on
puisse lire des choses aussi répugnantes
pendant le repas». Son voisin,
qui écoute d'une tout autre
oreille, est remué par la
description des souffrances...
Quelques années plus tard, il
en parle à son confesseur, le Père
Beyzym. Ce dernier, bouleversé
à son tour, saisit l'occasion
pour demander à partir servir
les lépreux. «Je sais très
bien, écrit-il au Préposé général
des Jésuites, en quoi consiste
la lèpre et à quoi je dois être
préparé; toutefois, tout cela
ne m'effraie pas, au contraire,
cela m'attire».
Jan Beyzym est né le 15 mai
1850 à Beyzymy Wielkie,
aujourd'hui en République
ukrainienne. Loyal et ardent au
travail, il est desservi par une
grande timidité juvénile. Dès
sa plus tendre enfance, il
partage la dévotion toute
particulière de sa famille
envers Marie. Jan pense à
devenir prêtre dans une modeste
paroisse de campagne, mais son père
l'oriente plutôt vers les Jésuites.
Après une longue lutte intérieure,
il entre au noviciat de la
Compagnie de Jésus, le 10 décembre
1872. Durant les deux années de
noviciat, Jan s'initie à la vie
religieuse, entremêlant
exercices spirituels,
occupations matérielles et
oeuvres de charité. Habitué à
une vie dure, il ne souffre pas
trop de la discipline à
laquelle il doit se plier, mais
reste un peu rude dans ses
rapports avec le prochain. Son
noviciat terminé, il poursuit
des études de philosophie et de
théologie jusqu'à son
ordination sacerdotale à
Cracovie, en Pologne, le 26
juillet 1881. Son âme ardente
se révèle dans ces paroles: «Nous
travaillons pour Dieu, pour le
ciel, et nous ne devrions pas
nous laisser dépasser dans
notre labeur et nos sacrifices
par ceux qui travaillent pour
des biens matériels ou ne
vivent que pour la terre».
«Levons
l'ancre, et en avant!»
Le Père Beyzym est désigné
comme préfet des élèves au
collège des Jésuites à
Tarnopol, puis à Chyrów. Après
avoir enseigné le français et
le russe, il est nommé préfet
d'infirmerie, fonction qui entraîne
une lourde responsabilité et
une vigilance quasi maternelle
sur les dix salles qui
accueillent les élèves
malades. Il circule de lit en
lit, s'applique à distraire
malades et convalescents par des
histoires et des jeux, relevant
le moral des enfants et des
infirmiers. Sa vie austère est
adoucie par un humour ingénieux.
Un jour, un élève fortement fiévreux
se met à délirer: il veut
s'habiller, disant qu'il lui
faut rejoindre le bateau en
partance pour l'Amérique.
L'infirmier de service essaie en
vain de le raisonner. Survient
le Père Beyzym: «Où pars-tu
ainsi? – Pour le bateau. –
Très bien, je suis justement le
capitaine du bateau, nous
partirons ensemble». Et,
prenant le malade dans ses bras,
il va le coucher dans une autre
chambre: «Nous voilà
heureusement arrivés à bord,
maintenant levons l'ancre et en
avant!» Tout abasourdi,
l'enfant se calme sur le champ.
L'énergie et la suavité
s'unissent dans l'âme du Père
Beyzym. Il aime la nature, les
fleurs, qu'il cultive pour orner
l'autel et les chambres des
malades. Il a un aquarium, une
cage de canaris, une autre,
qu'il a lui-même fabriquée,
pour les ébats d'un écureuil.
La vue de ces créatures l'aide
à élever ses pensées et
celles de ses élèves vers
Dieu. Il s'efforce de
communiquer aux enfants sa dévotion
à Marie: une des conférences
qu'il leur fait, commence ainsi:
«L'aide la plus sûre et la
plus nécessaire pour notre
conversion, pour notre
sanctification et pour notre
salut est la dévotion à la Très
Sainte Vierge». Le Père Beyzym
connaît admirablement la
jeunesse, ses faiblesses et ses
qualités. Son regard triste
devant une bêtise suffit à
remplir le coupable de repentir.
Tout donné au service des
enfants, le Père Beyzym sent
croître en lui le besoin
d'aimer et de se sacrifier
encore davantage pour les
malheureux. C'est alors qu'il
demande à se consacrer au
service des lépreux. Son désir
exaucé, il est affecté à la
mission de Madagascar, quitte
son pays le 17 octobre 1898 et
atteint Tananarive le 30 décembre
suivant. On lui confie la léproserie
d'Ambahivoraka, à 10 km au nord
de la ville. Les 150 lépreux
qui vivent là mènent une
existence plus que misérable.
Exclus de la société des
hommes, tourmentés par les
douleurs, affamés, assoiffés,
ils habitent des baraques en
ruine, sans fenêtres, sans
plancher, sans les objets de
première nécessité. À l'époque
des pluies, ils vivent dans
l'eau et l'humidité. Devant de
telles souffrances, le Père
Beyzym prie Dieu d'apporter un
soulagement à ces malheureux,
et lorsque personne ne le voit,
il pleure à chaudes larmes, car
il ne peut regarder sans
compassion ces souffrances
humaines. Dans un premier temps,
il habite Tananarive et se rend
à la léproserie pour les
enterrements (trois à quatre
par semaine) et la Messe
dominicale. Mais bientôt la
permission lui est accordée de
résider en permanence parmi les
lépreux.
«Il
n'a pas peur de toucher les
plaies!»
Pour obtenir une aide
urgente, le Père Beyzym écrit
de nombreuses lettres à ses
confrères d'Europe et à ses
amis. On peut y lire: «Il n'y a
personne aux côtés des lépreux,
ni médecin, ni prêtre, ni
infirmière, absolument
personne. Je remplis ici tous
les rôles: aumônier, facteur,
sacristain, jardinier, docteur.
Quant aux vêtements, chacun se
couvre comme il peut, en se
mettant un vieux sac trouvé
dans un coin, ou quelque chose
de semblable. La nourriture est
principalement constituée de
riz, à raison d'un kilo par
semaine, c'est-à-dire juste la
limite pour ne pas mourir de
faim. Voilà tout ce qu'ils ont,
aucun remède, ni bandes pour
panser les blessures et les
plaies. Rien... Il est difficile
ici de soigner les malades, car,
en plus de la lèpre, ils ont également
la syphilis et la gale, et ils
sont pleins de poux. Cela ne m'étonne
cependant pas. Comment ces
malheureux pourraient-ils se
laver et se coiffer, s'ils n'ont
plus de doigts, qui sont tombés
à cause de la lèpre?... Si
quelqu'un se plaint de maux
d'estomac, il ne faut pas lui
demander: «Qu'as-tu mangé?»
mais: «As-tu mangé? et
quand?...» Je me sens mal
lorsque je pense au grand nombre
de personnes qui dépensent tant
d'argent par caprice et pour des
plaisirs incompréhensibles,
alors qu'ici tout manque».
Un autre souci fait saigner le
coeur du Père Beyzym: «Ce qui
me tourmente pourtant plus
encore, c'est leur misère
morale, conséquence de leur état
matériel. Ils sont exposés à
mille occasions de péché... Je
regarde ces petits enfants qui
non seulement n'apprennent pas
à aimer Dieu, mais encore ne
savent même pas s'il y a un
Dieu, tandis que les grands leur
apprennent déjà à
l'offenser!... Je demande sans
cesse à la Vierge Marie d'avoir
pitié et d'aider à sauver au
plus tôt ces malheureux... Dès
que l'amour et la confiance pour
la Très Sainte Vierge
s'enracineront dans ces pauvres
coeurs, tout sera en place et je
pourrai être tranquille pour
eux».
Le premier soin du P. Beyzym est
d'empêcher que les lépreux ne
meurent de faim. Sa longue expérience
d'infirmier lui sert beaucoup.
Il s'approche de ces malades,
bande leurs plaies, suscitant
l'admiration des témoins: «Quand
je reçus pour la première fois
un morceau de toile et que je me
mis à bander la plaie de l'un
d'eux, écrit-il, tous m'entourèrent
comme s'il s'agissait d'un
spectacle extraordinaire, les
uns disant aux autres: «Regarde!
Mais regarde! Il n'a pas peur de
toucher les plaies»».
Toutefois, ce service demande
une abnégation héroïque: «Il
faut rester sans cesse uni à
Dieu et être capable de prier
toujours... Il faut un peu
s'habituer à la mauvaise odeur,
car ici on ne sent pas le parfum
des fleurs, mais la puanteur de
la lèpre... La vision des
plaies n'est pas non plus très
attrayante. Lorsqu'après trois
ou quatre heures de médications,
que j'effectue à l'air libre
devant les baraques, je reviens
chez moi, et après m'être lavé
et désinfecté avec du phénol,
je sens que tout ce que j'ai sur
moi dégage encore une mauvaise
odeur... Au début, je ne
pouvais pas voir les blessures,
et, après avoir vu une plaie
particulièrement répugnante,
il m'est quelquefois arrivé de
m'évanouir. À présent, je
regarde les plaies de mes
malheureux malades, je les
touche en les soignant ou en
donnant l'Extrême-Onction avec
l'huile sainte, sans être
impressionné. À dire la vérité,
j'éprouve quelque chose dans
mon coeur lorsque je m'occupe
des plaies, mais seulement parce
que je préférerais les avoir
toutes sur moi, plutôt que de
les voir sur ces pauvres
malheureux».
Une
manifestation de liberté
Imitant le Christ qui
lave les pieds de ses disciples,
le Père Beyzym se fait
serviteur. «Si dans la culture
actuelle, écrit le Pape
Jean-Paul II, celui qui sert est
perçu comme inférieur, dans
l'Histoire Sainte, le serviteur
est celui qui est appelé par
Dieu pour réaliser une oeuvre
singulière de salut et de rédemption,
celui qui sait avoir reçu tout
ce qu'il a et tout ce qu'il est,
et qui se sent donc appelé à
mettre au service des autres ce
qu'il a reçu... Servir est une
vocation tout à fait naturelle,
car l'être humain est
naturellement serviteur: il
n'est pas maître de sa propre
vie et il a besoin, à son tour,
de nombreux services d'autrui;
servir est une manifestation de
liberté par rapport à
l'envahissement de son propre
moi, et de responsabilité vis-à-vis
de l'autre; et servir est
possible à tous à travers des
gestes apparemment petits, mais
grands en réalité, s'ils sont
animés par un amour sincère.
Le véritable serviteur est
humble, il sait qu'il est inutile
(cf. Lc 17, 10), il ne recherche
pas ses intérêts égoïstes,
mais il se dépense pour les
autres en faisant l'expérience
de la joie de la gratuité dans
le don de soi» (Message pour la
journée des vocations du 11 mai
2003).
Tant de charité de la part du Père
Beyzym éveille la pleine
confiance dans ses paroles quand
il parle de Dieu, de la vie éternelle,
de l'enseignement de Jésus-Christ.
Aussi, au bout de quelques mois,
un grand nombre de lépreux
ont-ils sollicité et reçu le
Baptême. La gratitude du Père
envers la Très Sainte Vierge
est profonde: «Je ne sais si je
serai jamais en état de
remercier convenablement la
Vierge Marie pour sa protection.
Je ne parle plus de mille autres
grâces qu'elle m'a accordées,
mais de celle de m'utiliser au
service des lépreux».
Le Père se rend compte
cependant que sa connaissance de
la langue malgache est
rudimentaire; trop de mots lui
manquent. Pour se perfectionner,
il décide, en 1901, de passer
deux mois dans un poste voisin,
ne revenant à l'asile que le
dimanche pour la Messe. Les
progrès accomplis lui
permettent d'organiser une première
retraite: «Nous venons de
terminer, écrit-il ensuite, une
retraite de trois jours... selon
la méthode de saint Ignace:
trois conférences chaque jour,
avec des examens de conscience,
des confessions, des
communions... Il régnait parmi
les lépreux un silence, un
recueillement, dignes de nos
retraitants les plus civilisés.
Je remercie la bonne Mère sans
cesse, beaucoup de mes malades
vivront et mourront en vrais
catholiques».
De fait, pendant les quatorze
années de l'apostolat du Père
Beyzym, pas un de ses lépreux
ne mourut sans avoir reçu le
Sacrement des malades. Les
souffrances du missionnaire ne
sont pas pour rien dans sa fécondité
apostolique. Outre les difficultés
quotidiennes de sa vie, il a le
«mal du pays natal»: «Je
languis, écrit-il à ses
anciens confrères de Pologne,
après la patrie; spécialement
après notre maison et
l'infirmerie avec nos marmots».
Beaucoup de missionnaires
passent par ces souffrances
intimes, souvent connues de Dieu
seul. «Dans la Sainte Écriture,
écrit le Pape Jean-Paul II, il
y a un lien fort et évident
entre le service et la rédemption,
comme entre le service et la
souffrance, entre le Serviteur
et l'Agneau de Dieu. Le Messie
est le Serviteur souffrant qui
prend sur ses épaules le poids
du péché humain, il est
l'Agneau conduit à
l'abattoir (Is 53, 7) pour
payer le prix des fautes
commises par l'humanité et lui
rendre ainsi le service dont
elle a le plus besoin. Le
Serviteur est l'Agneau qui, maltraité,
s'humilie et n'ouvre pas la
bouche (Is 53, 7), montrant
ainsi une force extraordinaire:
celle de ne pas réagir au mal
par le mal, mais de répondre au
mal par le bien. C'est la douce
énergie du serviteur qui trouve
sa force en Dieu et qui, pour
cette raison, est fait, par Lui,
lumière des nations et
artisan du salut (cf. Is 49,
5-6). Mystérieusement, la
vocation au service est toujours
vocation à participer au ministère
du salut d'une façon très
personnelle, et même onéreuse
et difficile» (Ibid.)
Des
écailles tombaient de mes yeux
Malgré les efforts du Père
Beyzym, les soins donnés aux lépreux
restent bien insuffisants. Il
projette donc la construction
d'un hôpital. Ses Supérieurs
approuvent, à la condition
qu'il trouve les fonds nécessaires.
Le missionnaire envoie des
lettres dans toutes les
directions; certaines sont publiées
par le bulletin polonais «Missions
catholiques». Pendant plusieurs
années, les offrandes arrivent.
Après d'innombrables difficultés,
surmontées grâce à une
confiance sans bornes en la
divine Providence, le Père
trouve un terrain convenable, à
Marana près de Fianarantsoa,
dans un lieu isolé et salubre,
mais à environ 400 km de la léproserie
où il réside. Une grande épreuve
l'attend alors, car il va devoir
abandonner ses lépreux d'Ambahivoraka.
Il parvient à leur obtenir une
place à l'asile gouvernemental,
mais il n'est pas sans crainte
pour eux: «Là, écrit-il,
m'apparut dans toute sa crudité
le danger moral auquel tous,
surtout les enfants, seraient
exposés dans l'asile officiel
(700 lépreux recrutés dans la
lie de la société y sont
enfermés de force et gardés
nuit et jour par la police)...
Je recommandai tous et chacun à
notre Mère du Ciel, en pleurant
comme un enfant. Et dire que je
n'y pouvais rien!»
Le départ se fait dans la
souffrance. Arrivé à
destination, en octobre 1902, le
missionnaire se met à l'oeuvre
tout en s'occupant d'un nouveau
groupe de lépreux. Le chantier
avance peu à peu. Un jour, un
événement inattendu se
produit: une femme et deux
hommes lépreux, épuisés par
une longue marche, demandent à
le voir. «D'où venez-vous? Si
vous voulez être reçus ici, il
faut vous montrer au médecin à
Fianarantsoa et revenir avec un
certificat. «Tu parles comme si
tu ne nous connaissais pas, dit
la femme. – Mais sûrement, je
ne vous connais pas. –
Rappelle-toi Ambahivoraka, et tu
nous reconnaîtras». En
entendant ceci, il me sembla que
des écailles tombaient de mes
yeux. Je n'avais pas reconnu mes
oisillons, d'abord parce que je
ne les avais pas vus depuis deux
ans, puis à cause de leur
aspect si minable, enfin parce
que je ne les supposais pas en
état de faire un si long
voyage. Vous pouvez vous figurer
combien le coeur me battait et
quelle était ma joie de leur
arrivée!... Quand, au bout de
quelques jours, mes voyageurs
furent un peu reposés, la
courageuse femme se confessa et
communia; après quoi, je lui
remis tout ce que je pus pour la
route, je la bénis et l'envoyai
chercher les restes de mes chères
épaves». Quelques semaines
plus tard, les anciens malades
d'Ambahivoraka arrivent, les uns
après les autres: «Je les
accueille comme s'ils étaient
mes plus proches parents».
Mais en même temps que ces
joies, le Père reçoit des épreuves,
qu'il appelle des échardes de
la Croix de Jésus. Certains
trouvent ses projets trop hardis
et leurs objections
impressionnent l'évêque du
lieu qui hésite à donner les
autorisations nécessaires.
Puis, dans les sphères
gouvernementales, on parle de laïciser
tous les asiles. Mais la
confiance du Père Beyzym dans
la protection de Marie,
Consolatrice des affligés, lui
permet de tenir bon. La prière
de saint Ignace, qu'il récite
plusieurs fois par jour, l'aide
aussi beaucoup: «Prenez,
Seigneur et acceptez toute ma
liberté, ma mémoire, mon
intelligence, ma volonté, tout
ce que j'ai, tout ce que je possède.
C'est vous qui me l'avez donné,
à vous je le rends. Tout est à
vous, disposez de tout selon
votre bon plaisir. Donnez-moi
votre amour et votre grâce,
cela seul me suffit».
Un
robinet qui fait peur
Enfin, en 1911, l'hôpital
ouvre ses portes. «Ce n'est pas
une oeuvre d'hommes, écrit le Père:
l'Immaculée Elle-même, a fondé
cet hôpital et s'en occupe».
La prise de possession ne se
fait pas sans un certain désarroi:
«Dans les débuts, écrit-il,
tous les lépreux circulaient désemparés
et désorientés... voilà
qu'ils ont tout d'un coup un
logement avec un plafond et un
plancher, des lits munis de
draps, des tables à tiroirs,
une image de la Vierge, et un
numéro à la place de chacun;
enfin des écuelles, des
gobelets, des lampes. Ils se
regardaient aussi les uns les
autres, n'en revenant pas... Le
premier jour, il y avait de quoi
rire, à cause de mille naïvetés
indiquant combien ils étaient
encore peu civilisés. Quand la
cloche du dîner sonna, ils
vinrent bien au réfectoire,
mais ne savaient qu'y faire...
L'un d'eux ouvre un robinet et,
comme l'eau arrive à une forte
pression, mon nouveau civilisé
prend peur: au lieu de refermer
le robinet, il lâche tout et
s'enfuit en criant au
secours!...»
Heureusement, «au bout de
quelques jours, le règlement
est appliqué, et notre maison
ressemble plus à un couvent qu'à
un hôpital. La séparation des
hommes et des femmes est observée,
ainsi que le silence à
certaines heures; pas de
querelle, ou, si des mots aigres
sont prononcés, l'on fait la
paix sur-le-champ... Chacun
travaille autant que sa santé
le lui permet; les chants et les
rires sont à l'ordre du jour...
À présent, presque tous font
la communion quotidienne. En un
mot, Dieu veuille que cela dure,
car l'hôpital est un îlot de
foi au milieu de la marée de péché
toujours montante qu'est le
monde. Et ne pensez pas que
j'embellisse le tableau: c'est
la stricte vérité».
Vers
de plus délaissés
Le nouvel hôpital, doté
de toutes les installations
sanitaires nécessaires, compte
150 lits. Consacré à
Notre-Dame de Czestochowa, il
existe encore aujourd'hui et
rayonne de l'amour et de l'espérance
qui l'ont fait naître. Extérieurement,
il semble que le Père soit lié
pour toujours au champ
d'apostolat parmi les lépreux
de Madagascar. Mais au fond de
son coeur, demeure une angoisse
du salut des âmes qui le porte
à aller vers des pauvres encore
plus délaissés. Il pense aux
condamnés aux travaux forcés réunis
dans l'île de Sakhaline (en
Extrême-Orient russe) et
spirituellement abandonnés. Il
écrit à son Supérieur: «Depuis
quelque temps, la pensée de
Sakhaline me hante, et je l'ai
sans cesse devant les yeux. Par
ce que vous avez vu et entendu,
mon Père, vous savez que nombre
de malheureux y souffrent
affreusement... On pourrait très
probablement venir en aide à
ces infortunés...»
En attendant la décision qui
sera prise pour ce nouvel
apostolat, le Père Beyzym
multiplie catéchismes et
retraites. Très sensible à
l'honneur rendu à Jésus dans
l'Eucharistie, il dore l'autel
et le tabernacle de sa chapelle.
Mais sa santé faiblit. Il
souffre d'artériosclérose et
son corps est couvert de plaies.
Un jour, vaincu par de violentes
souffrances, il lui faut
s'aliter. Un religieux prêtre,
qui a contracté la lèpre au
service des lépreux, et qui
mourra lui-même neuf jours plus
tard, vient lui administrer les
derniers sacrements. Enfin, le 2
octobre 1912, le Père Beyzym,
rend son âme à Dieu. Il est
vraisemblablement mort d'épuisement
et non de la lèpre.
«Dieu qui est riche en miséricorde,
à cause du grand amour dont Il
nous a aimés, alors que nous étions
morts par suite de nos fautes,
nous a fait revivre avec le
Christ (Ep. 2, 4-5)... L'Église
désire annoncer inlassablement
ce message... Le désir
d'apporter la miséricorde aux
plus indigents a conduit le
Bienheureux Jan Beyzym, Jésuite
et grand missionnaire, sur l'île
lointaine de Madagascar, où,
par amour du Christ, il a
consacré sa vie aux lépreux...
L'oeuvre caritative du
bienheureux était inscrite dans
sa mission fondamentale:
apporter l'Évangile à ceux qui
ne le connaissent pas. Voilà le
plus grand don de la miséricorde:
conduire les hommes au Christ»
(Jean-Paul II, homélie de la béatification
de Jan Beyzym, 18 août 2002).
Si, peu de personnes sont appelées
à servir les lépreux, nous
devons tous témoigner concrètement
de la miséricorde de Dieu. Pour
cela, «une «imagination de la
charité» est nécessaire,
continue le Pape; que
l'imagination ne manque pas là
où supplie une personne dans le
besoin: Donne-nous
aujourd'hui notre pain
quotidien! Grâce à l'amour
fraternel, que ne manque jamais
ce pain! Bienheureux les miséricordieux,
car ils obtiendront miséricorde
(Mt 5, 7)».
Demandons à la Très Sainte
Vierge Marie de faire de nous,
à la suite du Bienheureux Jan
Beyzym, des missionnaires de la
miséricorde de Dieu dans le
monde contemporain.
Dom Antoine Marie osb
P. S. Nous recevrons avec
gratitude toutes les adresses d'éventuels
lecteurs que vous voudrez bien
nous envoyer. N'hésitez pas à
nous demander nos tracts sur la
Religion catholique, la divinité
de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
un «petit livre de prières»,
des scapulaires du Mont-Carmel
avec notice explicative, les
promesses du Sacré-Coeur, les
mystères du Rosaire.
Numéros des comptes
Suisse : -C.C.P. : «Abbaye
Saint-Joseph de Clairval»
19-5447-7 Sion ou chèques.
Belgique : -C.C.P. : «Abbaye
Saint-Joseph de Clairval»
000-1339871-10 ou chèques.
France : -C.C.P. : «Abbaye
Saint-Joseph de Clairval» 5618 78
A Dijon ou chèques.
USA : -Chèques bancaires
ordinaires en $ us (pas besoin de
chèques internationaux spéciaux).
Canada : -Chèques bancaires
ordinaires en $ can. (pas besoin
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entre autre, les lettres
spirituelles du deuxième semestre
1996 à l'année 2001, le
programme des retraites pour l'année
2003 :
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ou
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Les moines prient à toutes vos
intentions
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